L’édito de notre dernier bulletin souligne à juste titre les dangers du FN et nous appelle à y réfléchir.

L’édito de notre dernier bulletin souligne à juste titre les dangers du FN et nous appelle à y réfléchir.

Le nouveau look du F-haine (citations textuelles de son « programme »)

L’héritage est toujours là : Pétain, l’OAS, le détail concentrationnaire, l’invasion arabe, les liens avec les fascistes européens, mais une opération de « dé-diabolisation » est en cours ; le FN « reprend » frauduleusement nos revendications :

Il « dénonce » le gel injuste et choquant des traitements des fonctionnaires »… avec comme « solution » : une plus juste répartition des primes entre les ministères et dans les services.

Il égratigne le désengagement de l’Etat… c’est pour prôner un Etat fort (avec un ministère unique pour l’intérieur, l’immigration et la laïcité !).

Il préconise de remplacer intégralement les départs à la retraite dans la fonction publique, mais… sans création de postes supplémentaires et en sanctuarisant les effectifs des armées et des forces de l’ordre.

Il brocarde les destructeurs traités européens…pour suggérer une renégociation entre leurs fondateurs.

Il proclame que l’UE est cheval de Troie de la mondialisation libérale…mais subordonne sa sortie de l’UE à l’accord de tous les gouvernements.

En Europe comme en France (sous la cohabitation), ses députés ont voté toutes les lois régressives (ex : privatisations, forfait hospitalier) et contre toutes les propositions de progrès (abolition de la peine de mort, rétablissement de l’IGF,

taxation des revenus du capital, suppression du forfait hospitalier…).

Il se présente comme anti-système, mais il partage tous les dogmes « libéraux » en vigueur1.

Les racines structurelles du fascisme : des précédents historiques

L’édito note une certaine volonté de laisser se développer le FN ; nuançons : une volonté certaine de le développer.

Dans sa crise des années 30, la caste dominante fut confrontée à des mobilisations populaires importantes. Pour les briser, elle finança l’hitlérisme ; celui-ci, au service des Krupp, Thyssen & Co, s’affubla, au début, d’un masque anti-ploutocratie, révolution nationale, socialisme (!). En France, les cercles patronaux financèrent les ligues fascistes et prônaient plutôt Hitler que le Front populaire. Ils firent le choix de la Kollaboration jusqu’à leur défaite. Ils n’ont jamais digéré ni le CNR2, ni aucune avancée sociale.

Le terreau populaire du fascisme

S’il méconnait la logique implacable du profit sur sa propre vie et la nécessaire solidarité de tous pour vivre mieux…

…le salarié(e) harcelé ou jeté à la rue vivra les restructurations ou les délocalisations patronales comme inévitables. Il maudira son « concurrent », l’immigré embauché « au black ».

…le jeune précaire ou privé d’emploi jalousera le travailleur « privilégié » par des statuts ou des conventions collectives.

…l’usager des services publics, lésé, s’opposera au fonctionnaire débordé et détourné de sa mission fondamentale.

…le petit contribuable (ou artisan) pressuré sera perméable aux diversions poujadistes, s’il méconnait que l’Etat multiplie les cadeaux fiscaux au (grand) patronat et renfloue les banksters ; la Bretagne doit être un signal d’alerte pour tous.

La riposte efficace au fascisme

L’édito souligne très justement : la lutte contre ces dangers passe par une forte inflexion de la politique économique et sociale ; on pourrait même dire qu’elle passe par un changement complet de cap, car, derrière les « inflexions » tactiques et les déclarations progressistes, c’est bien la stratégie continuée du MEDEF et de l’UE qui désespère une fraction du monde du travail et la pousse au pire. Inversement, c’est bien une rupture franche avec les choix dominants et non la simple invocation de la morale républicaine, qui pourra inverser la résistible ascension des Arturo Rui

d’aujourd’hui :

S’indigner des ignominies visant Mme Taubira est un minimum, mais qu’attend-on pour appliquer les lois de la république aux torchons racistes et à leurs actionnaires3 ? Des commandos4 s’entraînent militairement (dixit sereinement la « grande » presse), Mr Vals est-il trop occupé à « karchériser » les roms ? Quand à son intervention concernant l’affairiste

ordurier Dieudonné, qui a-t-elle servi ? Et les syndicalistes sanctionnés sous Sarkozy attendent toujours leur amnistie.

Le terrain des « valeurs » (tolérance, humanisme, anti-racisme) est non seulement insuffisant pour faire front, mais il peut se prêter à des blanchiments douteux : défiler avec Gaudin & co qui, hier, s’alliaient au FN et se parent aujourd’hui d’un républicanisme de pacotille ? Avec des « justiciables » style Woerth ou Cahuzac, quand le FN (comme hier ses

ancêtres) mobilise sur le « tous pourris » 5 ? Avec des Kouchners soucieux de se refaire une carrière ?

Lutter efficacement contre les conséquences (le racisme, mais aussi toutes les formes de repli individualiste, identitaire ou étroitement corporatiste), c’est non seulement rassembler sur les causes premières (l’essor de l’insécurité sociale, des inégalités), mais aussi éclairer sur les causes profondes (la guerre économique, factrice de crise et de désordre).

Le ventre est encore fécond d’où est sortie la bête immonde6. Il y a, là aussi, des leçons historiques à méditer : les gérants de la république de Weimar refusèrent le « Front populaire », renvoyèrent dos à dos « les extrêmes » ; ils choisirent « le moindre mal », finirent par faire voter Hindenburg pour « barrer la route à Hitler ». La suite est connue. Elle ne doit pas se reproduire. Si nous faisons ce qu’il faut, elle ne se reproduira pas.

1 Coût du travail, austérité, compétitivité, déficits publics, dette, crise tombée du ciel…

2 Ils l’écrivent eux mêmes : relisez Kessler, un des piliers du MEDEF

3 Ainsi qu’aux patrons voyous qui violent quotidiennement le code du travail

4 En France, des agressions et un meurtre (Cedric). En Europe, l’attaque des locaux et l’assassinat de progressistes prend de l’ampleur.

5 La tribu est impliquée dans de nombreuses affaires ; demandons-nous pourquoi la « grande » presse est si discrète sur ce sujet ?

6 B.Brecht