Les choix de chacun sont libres mais cette liberté oblige en même temps chacun à réfléchir à ses responsabilités.

Derrière le visage retouché et lisse de Marine Le Pen sur son affiche de campagne se dissimule tout un passé qui resurgit régulièrement et un présent que nous rappelle l’actualité : l’un et l’autre nous disent une idéologie fondée sur la haine de l’autre, la xénophobie, le vieil antisémitisme, le racisme rance, le sexisme, l’injustice, les manipulations, l’obscurantisme, la brutalité,…bref le rejet des valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité. Pour moi la nécessité de battre le Front National est une évidence et les débats que je vois ici me convainquent que cette évidence est largement partagée. La question porte sur le comment.

Je pense qu’on ne battra pas le Front National si les forces qui veulent des politiques alternatives ne manifestent pas clairement leur volonté de continuer à porter sans faiblir leurs exigences et leurs revendications et ne les abandonnent pas au nom de ce nécessaire barrage. Mais je pense indissociablement qu’on ne battra pas le FN sans mettre dans l’urne un bulletin de vote pour son adversaire au second tour, c’est à dire Emmanuel Macron.

Dans notre système aujourd’hui l’abstention, le vote nul ou blanc ne sont pas neutres : ils favorisent nécessairement un camp et le risque est réel que ce camp soit celui du FN. Je lis ici et là des militants engagés qui disent qu’ils ne s’imaginent pas mettre un tel bulletin. Je peux les entendre mais je leur demande simplement s’ils peuvent s’imaginer se réveiller le 8 mai avec une France où Marine Le Pen serait présidente.

D’autres affirment que ce serait reculer pour mieux sauter en 2022. Mais c’est oublier qu’une élection de Marine Le Pen serait une catastrophe immédiate et peut être sans retour pour tout ce pourquoi nous nous sommes battus mais aussi pour des millions d’entre nous. C’est aussi considérer que la montée du FN est inéluctable et que nous ne serons pas capables dans les mois et les années à venir d’ imposer d’autres choix que le néo libéralisme. C’est faire comme s’il n’y avait pas encore des élections législatives et un mouvement social, certes divisé mais toujours capable de mobiliser.

Allons encore plus loin : imaginons,-hypothèse vraisemblable- une Marine Le Pen battue mais de peu. Le résultat serait il sans conséquences sur les valeurs que nous défendons et sur les luttes que nous pourrions mener ? Le poids renouvelé que prendraient ses thèses et la dynamique dont elle pourrait se prévaloir auraient des effets immédiats et à long terme tandis que se verraient singulièrement affaiblies nos capacités de les combattre, celles de faire prévaloir des alternatives voire d’avoir aux législatives des élus capables de les porter.

Les choix de chacun sont libres mais cette liberté oblige en même temps chacun à réfléchir à ses responsabilités.

Gérard Aschieri